Vingt Mille Lieues sous les Mers

Jules Verne

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Elektronická kniha: Jules Verne – Vingt Mille Lieues sous les Mers (jazyk: Francouzština)

Katalogové číslo: verne19 Kategorie:

Popis

E-kniha Jules Verne: Vingt Mille Lieues sous les Mers

Anotace

O autorovi

Jules Verne

[8.2.1828-24.3.1905] Jules Verne, francouzský spisovatel a dramatik, jeden z nejpřekládanějších francouzsky píšících autorů vůbec, přichází na svět 8. února roku 1828 v Nantes jako syn advokáta. V mládí Verne studuje práva v Nantes a poté v Paříži, po studiích pak pracuje na burze.Literární ambice má Jules Verne již od mládí, do světa literatury ho jako tajemníka pařížského Théatre lyrique uvádí sám...

Jules Verne: životopis, dílo, citáty

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XIX

LE GULF-STREAM

Cette terrible scčne du 20 avril, aucun de nous ne pourra jamais l’oublier. Je l’ai écrite sous l’impression d’une émotion violente. Depuis, j’en ai revu le récit. Je l’ai lu ŕ Conseil et au Canadien. Ils l’ont trouvé exact comme fait, mais insuffisant comme effet. Pour peindre de pareils tableaux, il faudrait la plume du plus illustre de nos počtes, l’auteur des Travailleurs de la Mer.

J’ai dit que le capitaine Nemo pleurait en regardant les flots. Sa douleur fut immense. C’était le second compagnon qu’il perdait depuis notre arrivée ŕ bord. Et quelle mort ! Cet ami, écrasé, étouffé, brisé par le formidable bras d’un poulpe, broyé sous ses mandibules de fer, ne devait pas reposer avec ses compagnons dans les paisibles eaux du cimetičre de corail !

Pour moi, au milieu de cette lutte, c’était ce cri de désespoir poussé par l’infortuné qui m’avait déchiré le coeur. Ce pauvre Français, oubliant son langage de convention, s’était repris ŕ parler la langue de son pays et de sa mčre, pour jeter un supręme appel ! Parmi cet équipage du Nautilus, associé de corps et d’âme au capitaine Nemo, fuyant comme lui le contact des hommes. j’avais donc un compatriote ! Était-il seul ŕ représenter la France dans cette mystérieuse association, évidemment composée d’individus de nationalités diverses ? C’était encore un de ces insolubles problčmes qui se dressaient sans cesse devant mon esprit !

Le capitaine Nemo rentra dans sa chambre, et je ne le vis plus pendant quelque temps. Mais qu’il devait ętre triste, désespéré, irrésolu, si j’en jugeais par ce navire dont il était l’âme et qui recevait toutes ses impressions ! Le Nautilus ne gardait plus de direction déterminée. Il allait, venait, flottait comme un cadavre au gré des lames. Son hélice avait été dégagée, et cependant, il s’en servait ŕ peine. Il naviguait au hasard. Il ne pouvait s’arracher du théâtre de sa derničre lutte, de cette mer qui avait dévoré l’un des siens !

Dix jours se passčrent ainsi. Ce fut le 1er mai seulement que le Nautilus reprit franchement sa route au nord, aprčs avoir eu connaissance des Lucayes ŕ l’ouvert du canal de Bahama. Nous suivions alors le courant du plus grand fleuve de la mer, qui a ses rives, ses poissons et sa température propres. J’ai nommé le Gulf-Stream.

C’est un fleuve, en effet, qui coule librement au milieu de l’Atlantique, et dont les eaux ne se mélangent pas aux eaux océaniennes. C’est un fleuve salé, plus salé que la mer ambiante. Sa profondeur moyenne est de trois mille pieds, sa largeur moyenne de soixante milles. En de certains endroits, son courant marche avec une vitesse de quatre kilomčtres ŕ l’heure. L’invariable volume de ses eaux est plus considérable que celui de tous les fleuves du globe.

La véritable source du Gulf-Stream, reconnue par le commandant Maury, son point de départ, si l’on veut. est situé dans le golfe de Gascogne. Lŕ, ses eaux, encore faibles de température et de couleur. commencent ŕ se former. Il descend au sud, longe l’Afrique équatoriale, échauffe ses flots aux rayons de la zone torride, traverse l’Atlantique. atteint le cap San-Roque sur la côte brésilienne, et se bifurque en deux branches dont l’une va se saturer encore des chaudes molécules de la mer des Antilles. Alors, le Gulf-Stream, chargé de rétablir l’équilibre entre les températures et de męler les eaux des tropiques aux eaux boréales, commence son rôle de pondérateur. Chauffé ŕ blanc dans le golfe du Mexique, il s’élčve au nord sur les côtes américaines, s’avance jusqu’ŕ Terre-Neuve, dévie sous la poussée du courant froid du détroit de Davis, reprend la route de l’Océan en suivant sur un des grands cercles du globe la ligne loxodromique, se divise en deux bras vers le quarante-troisičme degré, dont l’un, aidé par l’alizé du nord-est, revient au Golfe de Gascogne et aux Açores, et dont l’autre, aprčs avoir attiédi les rivages de l’Irlande et de la Norvčge, va jusqu’au-delŕ du Spitzberg, oů sa température tombe ŕ quatre degrés, former la mer libre du pôle.

C’est sur ce fleuve de l’Océan que le Nautilus naviguait alors. A sa sortie du canal de Bahama, sur quatorze lieues de large, et sur trois cent cinquante mčtres de profondeur, le Gulf-Stream marche ŕ raison de huit kilomčtres ŕ l’heure. Cette rapidité décroît réguličrement ŕ mesure qu’il s’avance vers le nord, et il faut souhaiter que cette régularité persiste, car, si, comme on a cru le remarquer, sa vitesse et sa direction viennent ŕ se modifier, les climats européens seront soumis ŕ des perturbations dont on ne saurait calculer les conséquences.

Vers midi, j’étais sur la plate-forme avec Conseil. Je lui faisais connaître les particularités relatives au Gulf-Stream. Quand mon explication fut terminée, je l’invitai a plonger ses mains dans le courant.

Conseil obéit, et fut trčs étonné de n’éprouver aucune sensation de chaud ni de froid.

« Cela vient, lui dis-je, de ce que la température des eaux du Gulf-Stream, en sortant du golfe du Mexique. est peu différente de celle du sang. Ce Gulf-Stream est un vaste calorifčre qui permet aux côtes d’Europe de se parer d’une éternelle verdure. Et, s’il faut en croire Maury, la chaleur de ce courant, totalement utilisée. fournirait assez de calorique pour tenir en fusion un fleuve de fer fondu aussi grand que l’Amazone ou le Missouri. »

En ce moment, la vitesse du Gulf-Stream était de deux mčtres vingt-cinq par seconde. Son courant est tellement distinct de la mer ambiante, que ses eaux comprimées font saillie sur l’Océan et qu’un dénivellement s’opčre entre elles et les eaux froides. Sombres d’ailleurs et trčs riches en matičres salines, elles tranchent par leur pur indigo sur les flots verts qui les environnent. Telle est męme la netteté de leur ligne de démarcation, que le Nautilus, ŕ la hauteur des Carolines, trancha de son éperon les flots du Gulf-Stream, tandis que son hélice battait encore ceux de l’Océan.

Ce courant entraînait avec lui tout un monde d’ętres vivants. Les argonaute…